"Je m’arrête à l’ébauche, là,

où l’énergie est maximale."

Le trait poétique

Mon travail est un travail de Poésie.

Pour un poème, il faut trois éléments : de l’inspiration, de l’encre, et du papier.

Mon inspiration n’est autre qu’un besoin urgent d’expression suscité par les mystérieuses sensations de beauté. Il s’agit moins en fait d’inspiration que de respiration: l’écriture et le dessin sont un réflexe vital, ils me sont nécessaires.

Le croquis est selon moi le meilleur moyen d’exprimer ce besoin vif et primitif. Il dispose d’une énergie, d’une justesse, d’une vérité - et donc d’une Beauté – que je ne retrouve nulle part ailleurs.

Dans l’exposition d’un artiste par exemple, je suis souvent plus émue par les ébauches que par l’œuvre jugée finale elle-même. Je trouve beaucoup de beauté et d’humanité dans les incertitudes et les ratures.

Je me suis donc arrêté à cette étape. Non pas pour tenir un discours artistique, mais par intuition que c’est ma place. C’est dans le geste calligraphique, l’écriture-croquis, que « l’être faisant » que je suis s’exprime le plus sincèrement. C’est dans le dessin que je trouve écho avec le reste du monde.

Mon trait à l’encre est issu des cours de modèles vivants que j’ai suivi en école d’art à Paris. J’étais sommée par ma professeur de cesser à hésiter graphiquement sur le papier (multiplier les traits pour n’en dire qu’un).

Dès lors, j’ai commencé un travail de lente assimilation intérieure du sujet pour qu’il rejaillisse sur papier en un trait le plus juste possible, plus ou moins continu. Je recherchai un geste affirmé, un trait sûr de lui, même de ses défauts.

Je m’arrête à l’ébauche, là où l’énergie est maximale. J’assume les traits disgracieux, les mains étranges, pourvu qu’ils répondent au besoin instantané d’expression.

Je suis parvenue à assumer ce trait de croquis noir et blanc, et j’ai osé le sortir des carnets auxquels il appartenait jusqu’alors grâce à un hasard de voyage. En 2012, alors que j’étais en stage à Hanoï, j’ai fait la rencontre d’une papetière qui est rapidement devenue mon amie. Je suis tombée en amour du papier végétal traditionnel du Vietnam, par sa couleur douce et qualité unique.

Aujourd’hui, j’essaie de faire se répondre mon trait fin et la légèreté de ce papier. J’essaie de les libérer l’un l’autre, de les donner en des poèmes graphiques à qui voudra bien les voir, les écouter et les ressentir.